Activités
19 et 20 juin 2010
Sortie annuelle à Morlaix et sa région
Les 19 et 20 juin 2010, 29 membres du CERAPAR ont participé à la sortie de fin d'année, organisée par Jean-Luc et Chantal Javré, qui nous ont fait partager leur passion pour le pays de Morlaix qu'ils connaissent si bien.

Le groupe s'est retrouvé à Plestin-lès-Grèves, sur le site du Hogolo, dominant la baie de Locquirec. Il s'agit des restes des thermes d'une villa romaine (non localisée à ce jour). La fouille, conduite de 1981 à 1992, a dégagé des dunes un bâtiment thermal de plan classique. La piscine d'eau froide était dallée de plaques de schiste et de calcaire formant un décor géométrique. Le premier état de ces thermes daterait du milieu du Ier siècle après JC, l'édifice étant agrandi à la fin de ce siècle, puis à nouveau au cours du siècle suivant. L'alimentation en eau était assurée par des canalisations en bois. A la fin du IIe siècle, le bâtiment a perdu sa fonction thermale et aurait été transformé en édifice utilitaire. Une réoccupation tardive se serait prolongée dans le IVe siècle.

A Lanmeur, nous avons visité l'église Saint Mélar. Sa crypte, longue de 9 mètres, large de 5 pour une hauteur de 2 mètres, a des voûtes soutenues par des arcs en plein cintre, portées par 8 piliers. Les 2 piliers les plus épais portent des reliefs saillants. Certains spécialistes associent ces décorations à des plantes, peut-être des ophioglosses (fougères à feuilles ovales). Une plante, proche de celle-ci, se retrouve dans l'illustration d'un manuscrit espagnol du Xe siècle. Cette similitude, associée à d'autres comparaisons stylistiques, indique une datation préromane de cette crypte, entre le IXe et le XIe siècle, plutôt dans la seconde partie de cette période.

Toujours à Lanmeur, nous avons visité la chapelle Notre-Dame-de-Kernitron, dont le nom signifie village de la dame. Elle est construite au début du XIIe siècle par les moines bénédictins du prieuré voisin. La nef et le transept remontent au XIIe siècle. Le choeur est reconstruit au XVe siècle avec l'emploi d'éléments du XIIIe. L'influence normande y est décelable. Le portail sud illustre l'Apocalypse selon Saint Jean. Le tympan représente le Christ en majesté entouré des 4 évangélistes.

L'après-midi nous nous rendons à Morlaix au n°9 de la Grand'Rue. C'est une maison à pans de bois, d'un type qu'on ne trouve qu'à Morlaix, dit à pondalez (ou ponts d'allées). Elle se compose de trois parties : un corps de bâtiment sur rue dont le rez-de-chaussée sert de commerce, un autre sur le jardin avec une façade donnant sur l'extérieur, et entre les deux un espace occupé par la salle manoriale, organisée autour d'une cheminée monumentale faisant face à une escalier à vis en bois, relié à des passerelles (les ponts d'allées), permettant de passer à la partie arrière du logis.
Ces maisons étaient habitées par des négociants de toiles de lin. Leurs clients importants étaient reçus dans la salle manoriale dont la hauteur du vide central devait les impressionner. Ce commerce devint si florissant à Morlaix aux XVe et XVIe siècle que de nombreux nobles se livrèrent à cette activité, suspendant leurs privilèges le temps que durent leurs affaires. C'est là l'origine de ces maisons où l'on retrouve dans un contexte urbain des éléments architecturaux de manoirs ruraux.

L'après-midi s'est achevée par une visite guidée de Morlaix qui nous a permis d'avoir une vue d'ensemble sur la ville, idéalement placée en fond de ria, naturellement protégée par deux cours d'eau : le Jarlot et le Queffleuth. Morlaix devint un centre commercial important au XVIe siècle, spécialisé dans le négoce et l'expédition vers toute l'Europe (Angleterre, Espagne, Hollande) de toiles de lin fines pour l'habillement, produites dans l'arrière pays. L'attaque anglaise de 1522 sera à l'origine de la construction du château du Taureau pour protéger la baie. Ce commerce maritime sera très perturbé par les guerres de la fin du XVIIe siècle.

La journée du dimanche a commencée par la visite du site de Barnenez à Plouézoc'h. Construit entre 4500 et 3900 av JC, le cairn, de 75 m de long et de 28 m de large abrite 11 chambres funéraires. Il faut attendre 1850 pour que cet ensemble soit signalé comme tumulus. En 1954, le monument, racheté par un entrepreneur de travaux publics, sert de carrière. La communauté scientifique se mobilise alors pour sa sauvegarde et des campagnes de fouilles de 1955 à 1968 redonnent son aspect d'origine à ce Parthénon mégalithique.
Le cairn primaire contient 5 tombes à couloir. Il est fait de moellons de dolérite d'aspect sombre. La façade principale est orientée au Sud-Ouest. L'entrée du dolmen le plus important est à son centre, encadrée de part et d'autre par deux ouvertures plus modestes.
Le cairn secondaire s'appuie sur l'extrémité du cairn primaire. Il abrite 6 autres tombes et est environ deux fois plus important en volume que le cairn précédent. Les moellons utilisés ici, presque tous en granit, proviennent de l'île Sterec.
Les couloirs des tombes font de 5 à 14 m de long et donnent accès à des espaces de forme polygonale ou circulaire : les chambres. La plupart des tombes révèlent une technique étonnante dite de la fausse coupole, qui permettait, avec des pierres plates, de réaliser des couvertures très stables, encore intactes lors de leur découverte.

L'après-midi commence à Brennilis au dolmen de Ti-Ar-Boudiged (ou la Maisons des Fées). Le monument a encore son tumulus de terre de type piriforme (en forme de poire), avec ses dalles subverticales de soutien. C'est un dolmen en V, ou couloir et chambre sont différenciés, avec un élargissement progressif. Il y a encore trois tables en place et une dalle interne verticale de cloisonnement. Sa date vers la transition du Néolithique moyen au final a été confirmée par le carbone 14, c'est bien un dolmen à couloir en train de devenir une allée couverte.

Nous nous rendons ensuite à la chapelle Saint-Michel, au sommet du mont Saint-Michel de Brasparts, d'où l'on domine tout le paysage des Monts d'Arrée : le Roc Trévezel, le lac Saint-Michel et au loin la Forêt de Huelgoat.

A Commana, nous visitons l'allée couverte de Mougau Bihan. Le monument se compose d'un reste de vestibule, d'une chambre funéraire de 10 m de long, et d'une cella au delà de la dalle de chevet, la plupart des dalles de couverture étant en place. Ce sont ses gravures qui en font l'intérêt majeur. Les piliers du vestibule montrent l'un une paire de seins en relief, l'autre deux paires et une palette-aviron, la dalle de chevet porte une hache emmanchée surmontée de sa crosse et trois autres supports présentent des palettes gravées. Cet ensemble montre vraisemblablement des réutilisations de stèles gravées antérieures. Par sa forme générale et par les motifs représentés, il est à rapprocher de Prajou Menhir à Trébeurden et de la Maison-des-Feins à Tressé.

L'enclos de Commana comprend, outre l'église paroissiale, un arc de triomphe rustique, une chapelle ossuaire et deux calvaires. Le porche sud de l'église est typique de l'architecture Renaissance bretonne. Il est apparenté à ceux de Guimiliau et de Bodilis. A proximité de l'enclos, se trouve une stèle tronconique en granit du second âge de fer. Elle aurait été réemployée comme borne milliaire à l'époque romaine, elle sert aujourd'hui de fût à une croix archaïque.

Le voyage s'est terminé à l'enclos paroissial de Guimiliau. C'est un ensemble exceptionnel avec sa porte triomphale, l'église paroissiale avec son clocher Beaumanoir et son porche sud d'inspiration classique, les deux ossuaires, la sacristie et le calvaire « plus beau que tous les autres ». Il comprend 200 personnages groupés en 25 scènes, racontant sur deux niveaux la vie et la Passion du Christ. Cet enclos est le témoin d'un certain âge d'or du Léon, qui connût une période de prospérité relative au XVIe et XVIIe siècle, surtout basé sur le tissage du lin et le tannage du cuir.

C'est ici que s'est achevé ce week-end si riche en découvertes. Encore un grand merci à Jean-Luc et Chantal Javré pour leur maestria organisatrice!