Activités
Vendredi 5/3/2010
Conférence du 5 mars 2010 : « Attention Convoi Exceptionnel » par Cyrille Chaigneau : Réflexions archéologiques sur le déplacement des mégalithes.
Le transport des mégalithes est un phénomène universel. Le but de cet exposé est de proposer des pistes de réponse à cette énigme.
Dès l'antiquité, cette question a interpellé les hommes. Pour Pausanias, les murailles de Tirynthe et de Mycènes sont l'oeuvre d'un peuple de géants : les Cyclopes. Saxo Grammaticus parle du géant Merlin bâtisseur de Stonehenge. D'où la naissance d'un imaginaire collectif où des êtres surnaturels : géants, fées ou extraterrestres, sont les constructeurs de ces monuments.

Quelques exemples de grands monolithes :

Le grand menhir de Locmariaquer (280 t) a été déplacé il y a 4800 ans depuis Sarzeau ou Auray. Il a traversé la rivière d'Auray, probablement par flottaison.
La base du temple d'Héliopolis à Baalbek est constituée de 3 blocs de 800 t qui ont été déplacés sur 1 km.
A Axoum, en Ethiopie, on voit une stèle brisée de 600 t, érigée au VIième siècle ap JC.
Le mausolée de Théodoric à Ravenne est surmonté d'une coupole monolithique de 350 t, déplacée sur 25 km.
A Tanjavur, en Inde, un bloc de 85 t a été hissé au sommet d'un temple à 65 m de haut.
A Assouan, on voit un obélisque inachevé de 1100 t.
A Mycènes, le linteau de la porte des lions pèse 70 t, celui du trésor d'Atrée : 100 t.
A Naxos, une statue de 110 t a été laissée sur place, inachevée.
Sur l'île de Pâques, les plus gros monolithes pèsent 80 t.
En Indonésie, des monolithes de plusieurs dizaines de tonnes sont communs.
A Mexico, une statue aztèque d'un seul bloc pèse 217 t.

Les transports terrestres :

Une gravure égyptienne montre le déplacement d'une statue, montée sur un traîneau, tiré par 172 haleurs sur un sol humidifié.
Une gravure babylonienne montre la traction d'une statue tirée par quatre file de haleurs, des morceaux de bois sont placés sous la charge dans le sens de la longueur.

Apports de l'ethnologie :

En Indonésie, sur l'île Nias, des transports de mégalithes de quelques dizaines de tonnes par des centaines d'hommes étaient organisés lors d'obsèques jusqu'au début du XXIème siècle. L'objectif était de nourrir un maximum de porteurs, pendant le plus grand nombre de jours possibles, pour marquer le statut du défunt.

Autres méthodes de transport :

Vitruve décrit des machineries pour le déplacement des obélisques. C'est le cas de l'obélisque du Latran (350 t), déplacé sous Calicula, puis sous Sixte Quint avec un ensemble de cabestans, de palans et d'attelages de chevaux.
Il a fallu six ans pour amener et dresser l'obélisque de Louxor (280 t) sur la place de la Concorde.
La traction animale est peu représentée dans l'iconographie antique. Elle est difficile à utiliser pour des grosses charges car il est impossible de coordonner exactement la poussée.

L' Archéologie expérimentale :

Les premières reconstitutions ont été influencées par les méthodes des ingénieurs de marine : traction de grosses charges par des cordes, verticalisation avec une chèvre.
Ces expériences (comme à Bougon en 1979) nécessite beaucoup de corde de gros diamètre, or c'était un matériau rare au Néolithique car elle était obtenue à base d'écorce de tilleul. De plus, on n'a jamais retrouvé de traces de roulement de gros bocs.
Une autre question se pose, qu'est-ce qu'un monument mégalithique? C'est d'abord une architecture de terre et de pierres sèches : 10000 m3 de pierres sèches au Petit Mont, 90000 m3 de limon au tumulus Saint-Michel. C'est le déplacement des petits blocs qui a demandé le plus d'énergie.

Face à ce problème, l'association « Nature et Mégalithes » a développé la piste des leviers, utilisés comme des rames pour déplacer les blocs, en alternance avec des cales lors des verticalisations. Ces méthodes ont été utilisées avec succès par Thor Heyerdahl à l'île de Pâques, et par Zacharie Le Rouzic à Er Lannic et au Mané Réthual à Locmariaquer.

L'autre technique qui semble avoir fait ses preuves est celle du transport fluvio-maritime, représenté sur des gravures égyptiennes et mésopotamiennes. Atkinson a montré que les pierres bleues de Stonehenge ont parcourues par ce moyen les 250 km qui les séparent de leur carrière au pays de Galles. Elles étaient vraisemblablement flottées sur des radeaux de pirogues accouplées.

Pour vérifier ces hypothèses, « Nature et Mégalithes » va conduire cet été un ensemble d'expérimentations de déplacement de mégalithes par différentes méthodes : traction avec des cordes, utilisation de leviers, etc...
Avis aux bonnes volontés!