Activités
Du 6 au 26/4/2010
Sondage sur un enclos terroyé en forêt de Liffré
Du 6 au 26 avril, 26 membres du CERAPAR ont effectué un sondage sur un enclos situé près du carrefour des Sept Chemins dans la forêt domaniale de Liffré. La grande motivation de l’équipe a contribué au bon déroulement de l’opération qui s’est réalisée dans le temps imparti. Les conditions météo ont été excellentes et tout le monde a apprécié ce dépaysement total au cœur de ce beau massif planté en majorité de charmes ! Il faut signaler l’excellent accueil de Pascal Dagorne responsable d’exploitation de l’ONF qui a suivi nos travaux avec le plus grand intérêt. Michel Duval, de la forêt domaniale de Saint-Aubin-du-Cormier s’est aussi déplacé sur le site, son intérêt pour l’archéologie n’est plus à démontrer. Cette opération n’aurait pas eu lieu sans l’accord de Stéphane Deschamps conservateur régional de l’archéologie et d’Anne Villard qui nous a rendu visite sur le terrain. Cécile Le Carlier et Jean-Charles Oillic de l’UMR ont également fait le déplacement et nous ont prodigué de précieux conseils. Françoise Labaune de l’INRAP a analysé la céramique découverte sur le site.

Cadre de l’opération

Cet enclos est l’un des éléments d’un ensemble de structures terroyées (deux tertres et six enclos) qui s’étendent sur un plateau à une altitude de 79 m NGF. Cet ensemble inédit, a été découvert le 18 novembre 2006 lors d’une prospection forestière réalisée par le CERAPAR dans le cadre de l’inventaire des sites archéologiques conservés dans les forêts domaniales du bassin rennais. Après réalisation des relevés indispensables, le site a été déclaré au Service Régional de l’archéologie dans le rapport de 2007. La voie romaine Rennes-Bayeux-Lisieux sondée à deux reprises par le CERAPAR passe à environ cent mètres de cet ensemble. Dès le début de 2007, une visite de Jean-Claude Meuret sur le site fut à l’origine d’un sondage sur l’un des deux tertres. Profitant d’un fossé de drainage moderne coupant la structure il y réalisa une coupe en avril mai de la même année. Lors de cette opération un beau trou de poteau avec son calage fut découvert. Le rare mobilier présent dans cette structure laissait envisager une datation du haut Moyen Âge au sens large.

L’enclos concerné par le sondage de 2010 jouxte le tertre sondé en 2007. Il mesure 36 m par 30 m et possède la particularité d’avoir en son centre une élévation de terre quadrangulaire de 12 m par 9 m environ pour une hauteur d’une trentaine de centimètres. Il est coupé d’est en ouest par le fossé de drainage évoqué ci-dessus.
L’objectif était de caractériser cet enclos et d’en proposer la datation.

Déroulement de l’opération

L’implantation des sondages, contrariée par une végétation très dense, a été réalisée en accord avec le service régional de l’archéologie. Le sondage n°1 est effectué sur l’élévation du centre de l’enclos, le sondage n°2 sur la pente descendante de cette élévation sur son côté Est, le sondage n°3 traverse la partie centrale de l’enclos entre l’élévation centrale et le talus nord. Une continuité linéaire entre les sondages a été recherchée afin de réaliser une stratigraphie complète du nord au sud.
Une structure de pierres avait été repérée en limite nord de l’enclos sur un talus annexe, c’est le sondage n°4. Le sondage n°5 fait suite à l’opération menée par Jean-Claude Meuret sur le tertre voisin où une fosse avait été repérée mais non vidée. Enfin, le redressement (n°6) du fossé de drainage moderne traversant l’ensemble de l’enclos a été effectué sur une longueur de 35 m.
Toutes ces opérations ont été réalisées à la truelle et dans une moindre mesure à la pioche.
Dans le sondage n°2 la structure de pierres n’a pas été fouillée afin de ne perdre aucune information et de permettre ultérieurement une étude globale de l’empierrement.
En préalable au sondage, une topographie fine du site a été effectuée au mois de mars de cette année. Elle a permis d’apporter un complément aux relevés de 2007 à savoir un talus supplémentaire au nord de l’enclos.
Les différents sondages et le redressement du fossé de drainage ont fait l’objet de relevés. Le positionnement des différents sondages figure sur un plan consultable sur l’album photos.
Le rebouchage des zones fouillées a été fait le 26 avril. Une couche végétale a été étalée en surface.

Description des sondages

Il faut signaler d’emblée que les stratigraphies en milieu forestier sont très rarement conservées et que la lecture archéologique est particulièrement difficile. Ceci est du à une évolution du sol tributaire des phénomènes physico-chimiques propres à ce milieu, sans doute amplifiés par un sous-sol d’altérites argileuses résultant de la décomposition des schistes briovériens.

Le 6 avril, premier jour de l’opération, les douze membres présents ont réalisé un nettoyage complet, consistant en un ratissage de l’épaisse couche de feuilles sur l’ensemble du site. C’est alors qu’un aménagement de pierres entourant le bombement central est repéré en surface. Ce nettoyage a également mis au jour des scories de réduction coulées et un petit fragment de paroi de four. Ces scories ne sont pas comparables à celles découvertes en surface sur la voie romaine voisine.

- Dans le sondage n°1, après dégagement de l’humus deux pierres apparaissent : un morceau de granit, probable élément de meule, et un bloc de grès veiné de quartz. Sous ce dernier, après la fouille de la couche argileuse intermédiaire, une poche grise rectangulaire est apparue, contrastant avec le sol naturel ocre jaune. D’une dimension de 91 par 34 cm elle semblait aller au-delà du sondage. Avec l’accord du SRA nous avons alors ouvert un carré de 1m par 1m dans son prolongement. C’est là que nous nous sommes aperçus qu’elle n’allait pas au-delà. Une fouille de cette poche par sa moitié nous a montré qu’elle avait une profondeur comprise entre 4 et 6 cm. Le remplissage était constitué d’un sédiment brun gris, compact, sans racines et avec de rares petites pierres, sans aucun reste conservé. Le fond était tapissé de petits graviers posés sur le sol naturel très compact. La forme régulière de cette fosse est-elle le résultat de la décomposition de planches de bois, voire d’une sépulture d’enfant ? Une analyse de la concentration en phosphore, indicateur d’une décomposition organique, permettrait d’émettre une hypothèse.
Dans ce même sondage, une autre poche grise de forme irrégulière a été sondée. Vu sa forme et la pente régulière à partir du fond, il s’agit probablement d’un ancien chablis.

- Dans le sondage n°2, les premiers coups de truelle ont confirmé l’importance de l’empierrement repéré lors du nettoyage de surface. Après plusieurs passes, il apparaît que les pierres ne sont pas en contact avec le sol naturel, mais englobées dans la couche humifère intermédiaire. Cet empierrement est composé en grande majorité de blocs de grès provenant vraisemblablement de la voie romaine située à proximité, où des tranchées anciennes atteignant le radier sont visibles. Au niveau du sol naturel, un petit fossé de 0,70 m de largeur pour une profondeur maximale de 0,10 m est apparu en contrebas du bombement coté est. Le non-démontage de l’empierrement n’a pas permis de connaître la continuité de ce fossé dans le sondage. Deux hypothèses peuvent être proposées : soit les pierres sont les restes d’une structure type muret, bordant le sommet de l’élévation, qui a versé, soit elles ont été posées volontairement pour retenir les terres de cette élévation centrale. Nous penchons plutôt pour la première hypothèse, en raison de la position des pierres dans la stratigraphie.

- Le sondage n°3 a fait apparaître dans sa partie sud, après dégagement des couches humifères, un fossé de 1,80 m d’ouverture pour une profondeur de 0,20 m, creusé dans le sol naturel. Bien que ses dimensions soient plus importantes il pourrait être la continuité de celui repéré dans le sondage n°2 ceinturant ainsi l’élévation du centre de l’enclos. De petites pierres étaient présentes en fond de fossé.
En remontant vers le nord, un calage de poteau a été mis au jour. Reposant sur le terrain naturel, il est composé d’éléments de concrétions gréseuses ferrugineuses appelées communément grès roussard, issus vraisemblablement d’un seul bloc. A proximité de ce calage, la fouille a livré de la céramique fragmentaire à pâte blanche (oule à panse cannelée) issue des ateliers de Chartres-de-Bretagne et datable du XIe - XIIe siècle.
Dans la partie nord du sondage, où le sol naturel devient mois compact, la fouille a livré en partie supérieure un lissoir de grès, et plus profondément quatre tessons beige-orangé dont un rebord de pot à lèvre éversée. Cette céramique est datable du IXe au XIe siècle.

- Après un décapage de surface du sondage n°4, l’aménagement de pierres s’est vite révélé récent car posé sur la couche située directement sous l’humus. Dans cet aménagement, il faut signaler la présence de deux gros blocs de grès roussard. A côté, une trace charbonneuse reposait sur cette même couche. Après démontage de la structure, la fouille s’est poursuivie et dans la couche inférieure, un lissoir, deux tessons de verres, et deux tessons de céramique ont été découverts, dont un beige orangé assimilable à ceux découverts dans le sondage n°3. Une bande de 1 m de largeur a fait l’objet d’une fouille jusqu’à -50 cm entamant ainsi largement le sol naturel. Juste au-dessus de ce dernier des charbons de bois ont été prélevés.

- Jean-Claude Meuret a sondé en 2007 le tertre voisin où il a découvert un trou de poteau. Il avait alors constaté dans la coupe, à proximité, l’existence d’une possible fosse. C’est cette fosse qui a fait l’objet du sondage n°5. Il a consisté en une fouille par passes régulières jusqu’au fond de la fosse. Après un horizon humique brun noir et une couche intermédiaire humifère brun clair argileuse et compacte la fosse est apparue. Elle est constituée d’un remplissage argileux peu compact, brun ocre avec des coulées verticales grises. Le seul mobilier découvert dans la partie supérieure est constitué d’une scorie. Le fond de la fosse est très irrégulier et il est difficile de comprendre sa fonction. Etant située près du trou de poteau, il s’agit peut-être d’une structure support d’un enchevêtrement de poutres d’étaiement.

- Le redressement (n°6) du fossé de drainage moderne coupant l’enclos a été effectué dans toute la largeur de l’enclos, soit sur une longueur d’environ 35 m. A partir de l’ouest il fait apparaître un fossé d’1,40 m d’ouverture propre à l’enclos alors que nous pensions que le tertre et l’enclos avaient un fossé commun. Après le talus très arasé et avant l’élévation centrale, un fossé de 3 m d’ouverture pour une profondeur de 0,35 m est rempli d’une terre argileuse compacte, grise avec des taches orangées. De part son positionnement, il est tentant d’y voir le fossé ceinturant l’élévation centrale repéré dans les sondages 1 et 2. Au niveau de cette élévation deux possibles fosses sont visibles. La première, constituée d’un remplissage argileux gris, possède une ouverture de 0,60 m pour une profondeur de 0,20 m. La deuxième, plus importante, est comparable à la fosse fouillée dans le sondage n°5. A l’est de la coupe, après le talus limite de l’enclos, se dessine un beau fossé de 0,40 m de profondeur. Dans sa partie basse, quelques pierres et un morceau de meule rotative sont apparus. Un peu plus loin, un fond de pot à cuire, datable du haut Moyen Âge a été découvert.

Au vu de la topographie du site, il faut signaler que les structures en relief, talus et élévation centrale semblent avoir été réalisées non seulement par le creusement des fossés, mais aussi par un décapage à l’intérieur de l’enclos. Cela expliquerait l’absence ou la faible profondeur des fossés. Cette particularité est bien visible sur les nombreux sites à enclos et tertres découverts dans les forêts de Rennes et de Liffré.

Conclusion

L’opération réalisée sur cet enclos avait deux objectifs : identifier les caractéristiques de la structure et d’en proposer une datation.
En raison de la pédogenèse des sols forestiers aucun paléosol n’a été mis au jour.
Pour ce qui concerne les zones sondées, la pauvreté du mobilier découvert et l’absence d’installations domestiques ou artisanales ne plaident pas en faveur d’une structure d’habitat ou d’atelier.
L’élévation au centre de l’enclos, probablement entourée d’un muret à l’origine, était-elle un symbole de délimitation d’un espace préservé ? Avait-elle une fonction cultuelle ou funéraire ? L’analyse du sédiment de la petite fosse rectangulaire apportera peut-être un élément de réponse.
L’examen du petit lot de céramique apporte une fourchette de datation qui va du IXe au XIIe siècle. Cette datation, bien qu’un peu plus tardive, est compatible avec celle proposée par Jean-Claude Meuret lors des opérations sur le tertre voisin et sur le tertre de la Ligne de la Mettrie en forêt de Rennes.
Ces sites fragiles du haut Moyen Âge, peu marqués, ont été conservés par le couvert forestier. Il est certain qu’en milieu ouvert, les labours auraient eu raison de ce témoignage d’une période peu connue dans le bassin rennais.
Des sondages sur des structures analogues, dans un environnement proche, seraient susceptibles d’apporter des compléments de réponse.